Joseph Lopy est footballeur professionnel. Il évolue au milieu de terrain au FC Sochaux (L2). Passé notamment par Orléans et Clermont-Ferrand, il est également international sénégalais (4 sélections).
Florian : Joseph, si je te parle du mental, qu’est-ce que cela t’inspire ?
Joseph Lopy : Pour moi, le mental est peut-être aussi important que le talent footballistique, voire un peu plus important. Aujourd’hui il y a tellement de joueurs qui ont du talent que la différence se joue parfois là, sur le mental. Le joueur qui tient, qui ne lâche rien, fait la différence, parce que personne ne te donne quoi que ce soit dans ce milieu contrairement à ce que les gens pensent de l’extérieur.
Est-ce qu’il y a des moments où la gestion du mental est encore plus importante pour toi dans le football ?
Joseph Lopy : Pour ma part je me suis posé beaucoup de questions, si j’allais y arriver ou non. Parfois on se sent seul au monde et il n’y a que notre mental pour nous aider. C’est surtout la tête qui tient, et je me dis : « vas-y. » Je ferme les yeux et je cours, même si je suis fatigué. L’an passé j’ai peut-être joué 45 matchs, et sans mentir il y a 10 matchs où je me sentais parfaitement bien, sans douleurs. Même parfois le kiné me disait que ça allait être compliqué de jouer, mais je jouais car je voulais être là. Idem, lorsque je suis fatigué, je me dis que si l’adversaire est capable de tenir, je peux moi aussi le faire. Je me suis dit cela une fois, deux fois, trois fois, et c’est devenu quelque chose de naturel.
Y-a-t-il un moment dans ta carrière où ton mental t’a joué des tours ?
Joseph Lopy : Au début de ma carrière quand j’étais à Sochaux, j’ai commencé à jouer avec de très bons joueurs. Je me souviens d’un match où le coach ne voulait pas que je dépasse le milieu du terrain. Je jouais récupérateur devant la défense, et l’entraîneur voulait que je récupère et que je donne les ballons à côté de moi. À côté de moi il y avait Marvin Martin et Ryad Boudebouz qui étaient des monstres techniques. Je me suis mis dans un mode où je ne jouais plus mais où je faisais juste ce que le coach me demandait. Et quand on a changé de coach, je suis resté cantonné à cela. Je me demandais si l’ancien entraîneur me demandait de ne pas participer au jeu parce que je n’étais pas capable de cela ou si c’était pour une autre raison, et comme nous n’avions jamais parlé de ce sujet ensemble j’ai eu des pensées négatives là-dessus. Du coup, à l’entraînement lorsque je tentais des choses et que je les loupais, je pensais que la raison était que je n’étais pas capable de le faire. Tout cela me bloquait alors qu’au fond de moi je savais que j’étais capable de jouer vers l’avant et cela m’a suivi. Je me suis persuadé moi-même que je ne pouvais pas le faire.
Après une blessure très importante, je suis revenu plus positif et j’ai décidé de profiter, d’être heureux, de me lâcher et à partir de là, je me suis autorisé de faire ce que le coach précédent m’interdisait de faire. Et c’est comme ça que j’ai réussi à déjouer cela.
Inversement, peux-tu me parler d’un moment où ton mental fut une force ?
Joseph Lopy : Je vais retourner à Sochaux encore, et je me souviens d’un match face à Nice en L1. À l’échauffement je ne me sentais pas en forme, j’avais chaud, froid. Je regarde alors le coach dont je parlais et qui m’avait limité dans l’expression de mon jeu, et je lui dis que je ne me sens pas bien. Il me demande ce qu’il se passe et je lui réponds que j’ai la sensation que je suis fatigué et que je vais craquer au bout de 5 minutes. Il me rétorque qu’il pense que ça va aller, et il me dit de faire ce que je veux, de jouer, de me lâcher et de me faire plaisir. C’était la première fois qu’il me disait quelque chose comme cela alors qu’il m’incitait toujours à rester dans le cadre. À l’époque j’avais 19 ans, et je n’osais pas faire des passes de mon pied gauche, je récitais ma leçon, je tentais de faire bien tout ce que le coach validait à l’entraînement. Sauf que ce jour là tout m’a réussi, je faisais des diagonales du gauche, du droit, tout passait. J’ai peut-être touché 120 ballons et j’en ai perdu un, et pourtant je tentais des choses compliquées. Ce jour-là j’ai même été dans le 11 type européen de l’Equipe. Une phrase du coach m’a libéré et ça a marché. Et c’était le seul match avec lui où je n’ai ressenti aucune forme d’interdiction.
Un grand merci à Joseph Lopy pour son témoignage enrichissant et à l’US Orléans et Pierre Bouby pour leur collaboration.