« Il faut que je sois bon samedi ». « je dois faire un grand match. » « j’ai intérêt à bien attaquer ma saison. » « Faux pas interdit. » Sans vraiment s’en rendre compte, beaucoup de sportifs débutent leurs saisons ou leurs préparations d’évènements dans des conditions mentales délétères. Car s’obliger à, s’orienter de force vers quelque chose, n’est pas une méthode très productive sur le long terme, et elle serait même coûteuse en énergie. De plus, cette façon d’orienter sa motivation est à l’opposé du plaisir que l’on peut mettre dans le projet que l’on nourrit. Il ne s’agit pas là de blâmer le sportif, de dire qu’il ne fait pas bien. Tout est le fruit d’apprentissages, d’influences extérieures, de mots répétés au gré des clubs fréquentés, parfois par des coachs qui ne sont pas eux non plus à stigmatiser, loin de là. On adopte des champs lexicaux car ils font partie du paysage, car on pense aussi parfois qu’ils vont nous être profitables.
De mon point de vue, utiliser des phrases telles que celles évoquées en début d’article interdit la possibilité d’échouer. Tous ces impératifs induisent l’idée d’une sanction possible en cas de non-réalisation de l’objectif recherché. Celle-ci peut-être symbolique dans l’esprit de l’athlète (« je ne serai plus aimé par les supporters ») ou plus palpable (« le coach ne me donnera pas de seconde chance). Or nous nous retrouvons face à un déni d’une réalité : si, il est tout à fait possible d’échouer. Je peux m’être bien préparé et tomber sur un adversaire plus fort ce jour-là (ce qui ne me réduit pas à rien et ne veut pas dire que je ne pourrai pas gagner demain). Je peux aussi me blesser pendant le match.
Il n’est pas question ici de penser à la catastrophe et d’en faire une prévision, mais d’accepter la possibilité de rater pour s’en libérer. S’enlever de la pression commence par l’idée de s’accepter faillible, humain, puis de se recentrer sur soi, car, souvent, tous ces impératifs que l’on s’envoie au visage sont le fruit d’attentes extérieures. Apprendre à dédramatiser l’enjeu est difficile, se travaille, mais peut porter ses fruits sur le court, moyen et long terme. Certes, il faut, comme souvent en préparation mentale, rester en équilibre et en l’occurrence ne pas tomber dans la facilité ou l’indifférence. Pour cela, bien connaître l’athlète avec qui l’on travaille, me paraît primordial. Si certains estiment que les outils à utiliser sont à dégainer de façon mécanique selon une problématique donnée, je vois plutôt les choses différemment.
Dans tous les cas, je pense que le vocabulaire est aussi quelque chose que l’on doit soigner pour performer. Et, dans ce cadre, j’orienterais plutôt les « je dois » vers les tâches ménagères du quotidien plutôt que vers la victoire dans une compétition. Une autre façon de voir les choses pour semer les graines de la réussite me paraît plus fertile. Mais je vous en parlerai si vous faites appel à moi, en attendant je vous laisse car je vais moi-même m’entraîner ;).